EMMANUEL SCHWARTZ : LE PARTAGE (THÉÂTRE INTERDISCIPLINAIRE)

 

EMMANUEL SCHWARTZ : LE PARTAGE (THÉÂTRE INTERDISCIPLINAIRE)


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, Vol. 25-03 : www.societascriticus.com


Œuvre en construction.


En remontant les fils épars de sa vie brisée, un comédien estimé reconstruit son identité à travers les points de vue contradictoires des témoins de sa chute. Jeu de confidences crypté, examen auto-réflexif, auscultation d'une auto-destruction programmée. Solo pour saboteur. Deuxième volet de sa Trilogie Essais amorcée avec L'Exhibition en 2019, Emmanuel Schwartz propose avec Le Partage une réflexion sur les genres théâtraux de l'autobiographie et de l'autofiction, si répandus à notre époque. Dans un dispositif résolument contemporain, l'auteur-metteur en scène poursuit son exploration de la mise en abyme au théâtre.



Texte, interprétation et mise en scène : Emmanuel Schwartz

Collaboration à la mise en scène et dramaturgie : Alice Ronfard

Conseiller à l'écriture : Daniel Canty

Scénographie : Camille Barrantès

Costumes : Marie-Audrey Jacques

Éclairage: Étienne Boucher

Création Vidéo : Transversal

Espace vidéo et mapping : VYV studio, Nicolas Pfeiffer

Conception sonore : François Thibault

Compositeur : Cédric Dind-Lavoie

Assistance, Régie : Émile Lafortune

Direction de production : Margarita Herrera Dominguez

Direction technique : Émile Lafortune, Jurjen Barel

Traduction et création des surtitres : Elaine Normandeau

Créé en résidence chez VYV Studio, La Chapelle Scènes Contemporaines

Une coproduction de La Clairière, compagnie de création, La Chapelle Scènes Contemporaines, Centre national des arts

Avec le soutien du Conseil des arts du Canada, Conseil des arts et des lettres du Québec et Conseil des arts de Montréal


Source et davantage de détails : https://lachapelle.org/fr/programmation/le-partage


Commentaires de Michel Handfield, M.Sc. sociologie (2023-05-04)


Tout le monde pense connaitre l’acteur, mais ce n’est pas lui. C’est une incarnation, car l’acteur est derrière le personnage. Voilà ce que partage Emmanuel Schwartz avec nous dans ce théâtre interdisciplinaire où il est seul – et parfois avec lui-même ou d’autres par vidéos interposés – sur la scène de La chapelle.


La vie de l’acteur fait rêver le petit monde, mais derrière l’acteur, il y a l’humain; le chaos de la vie et, parfois, son propre chaos. D’ailleurs, celui qui joue l’heureux ne l’est pas nécessairement. Il peut avoir ses démons et être faible à la tentation dans certaines périodes plus riches émotionnellement de sa vie, comme suite à un tournage qui fut particulièrement difficile par exemple ou à une remise de prix où l’on se sent mal à l’aise de le recevoir.


Certains films, certaines séries, certains réalisateurs ou certains collègues sont plus difficiles à quitter alors que pour d’autres, c’est l’inverse : il est difficile de devoir rester. Bref, le comédien et l’humain sont parfois en porte-à-faux et cela use. Et c’est encore pire si l’acteur tombe dans le piège de chercher la reconnaissance dans le regard de l’autre, car personne ne peut faire l’unanimité autour de lui.


Alors, les expédients – alcools, drogues et sexualité deviennent une béquille, ensuite une dépendance. Plus d’un ou d’une ont chuté, mais ce sont relevés et sont revenus, parfois plus d’une fois. D’ailleurs, les légendes sont construites par les scandales, dit-il. Et c’est à revivre à chaque nouveau rôle. Être soi et s’incarner dans un autre (le personnage) pour le faire vivre au point qu’on n’est plus que lui pour un temps.


Mais, certains ne s’en relèveront pas facilement et n’auront pas d’autres rôles pour une longue période. Parfois, si longue qu’ils tomberont dans l’oubli et qu’on ne les reverra plus, sauf peut-être quelques invitations et quelques figurations. Ils devront passer à autre chose pour leur bienêtre. Ce n’est pas toujours facile, mais c’est possible. On en voit quand les médias reviennent sur d’anciennes vedettes pour savoir ce qu’elles sont maintenant devenues. Elles se sont souvent fait une nouvelle vie, parfois parallèle à leur ancienne vie, comme en écriture, en scénarisation ou en enseignement par exemple.


Pour d’autres, par contre, ils seront fixés à jamais à un personnage qui les effacera. Incapable de revenir de cette association entre le personnage populaire et eux-mêmes, ils ne pourront plus rien faire. (1) Tant mieux s’ils peuvent changer de métier, sinon ils erreront avec une vie brisée par la popularité. Un triste sort s’il en est.


Mais, le pire, c’est d’être effacé. Effacer des gens et des œuvres du passé pour des crimes qui n’en étaient peut-être pas à leur époque, mais qui en sont aujourd’hui est un risque qui nous concerne tous. Car, avec le temps, les changements de moralité, de ce qui est bien ou mal, tout le monde qui prend une position publique risque un jour ou l’autre d’être effacé pour ce qu’il a dit ou fait à une autre époque quand on réécrit l’Histoire pour répondre à des idéaux actuels. On perdra alors la trace du chemin parcouru par l’Histoire, car il faut savoir ce qui fut pour juger où nous sommes rendus aujourd’hui et où nous serons demain. Pourtant, autrefois existaient des aller-retour pour enfin trouver un certain point d’équilibre - Thèse-Antithèse-Synthèse, écrivait Marx - mais ceux-ci semblent effacés au nom de nouvelles idéologies qui visent à déboulonner l’Histoire et les statues pour la réécrire d’un nouveau point de vue. Heureusement qu’existent encore des archives, mais les idéologues et les dictateurs tendent parfois à les faire disparaitre pour que ne reste que leur conception de celle-ci. Après eux, toute réinterprétation deviendra de plus en plus difficile à faire.


Naturellement, mon texte n’est pas un compte-rendu fidèle du spectacle, mais donne des pistes d’où on allait dans celui-ci, basées sur quelques notes que j’ai prises en cours de route et quelques réflexions que ce spectacle a soulevées chez moi. D’ailleurs, il ne faut jamais oublier que si Emmanuel Schwartz joue sur l’autobiographie, il joue aussi de l'autofiction ! Tout est donc plausible, mais pas nécessairement vrai. Il peut en avoir vécu une partie, mais en avoir vu ou inventé une large part aussi. Comme toutes histoires basées sur des faits vécus, c’est d’abord avant tout une histoire qu’il nous raconte ici.


Mais, c’est aussi une belle écriture avec un riche vocabulaire. On cherche souvent comment faire aimer le français à nos étudiants alors pourquoi ne pas publier ce texte pour le faire lire aux jeunes de nos écoles secondaires. À la base de toutes communications, d’ailleurs, on se trouve devant des mots et des dialogues qui créent du sens comme je l’ai aussi noté durant ce spectacle. Le partage part d’abord de là.


Et il y a là aussi un texte à partager et qui ouvrirait des pistes de discussions pour les jeunes du secondaire, car eux aussi ont des vies complexes à l’adolescence, cherchant souvent qui ils sont entre leurs capacités, leurs désirs et leur parcours vers l’âge adulte. Bref, ils auraient bien des pistes de discussions à partir d’un tel texte comme point de départ à une discussion en classe sur quel est l’humain derrière l’image que l’on projette par exemple. Et ce n’est là qu’un exemple.


Note


1. Je pense ici à Guy Sanche (Bobino) et Jean-Pierre Masson (Séraphin Poudrier dans Les Belles Histoires des pays d'en haut).





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