La Reine Garçon (Opéra de Montréal)

 La Reine Garçon (Opéra de Montréal)


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, in Societas Criticus Vol. 26-01 : www.societascriticus.com


Argument


Acte 1


Stockolm, milieu du 17ième siècle.


Dans la tempête, le comte Karl Gustav, général des armées de Suède et cousin de la reine Christine demande à celle-ci de l’épouser. Christine refuse, prétextant qu’elle doit se consacrer essentiellement à faire de son royaume l’un des plus sophistiqués qui soit.


Le comte Johan, fils oisif et vaniteux du chancelier Axel Oxenstierna, s’ennuie dans ce royaume paisible et sans heurts. Son père lui propose de conquérir le cœur de Christine et ainsi, d’accéder au trône.


Axel évoque la naissance de Christine, que l’on qualifie de « reine-garçon ». La comtesse Ebba, dame de compagnie de la reine dont Christine est secrètement amoureuse, vient la divertir. Christine est troublée par cet amour. Elle se confie au philosophe René Descartes qu’elle a fait venir en Suède pour l’instruire sur les passions secrètes de l’âme et particulièrement sur l’amour dont elle souhaite se libérer du joug. Descartes l’initie à la notion du libre arbitre.


La reine veuve, Marie-Éléonore de Brandebourg, mère de Christine et personnage terrible, ajoute à la pression du mariage et révèle à sa fille un douloureux souvenir d’enfance. Furieuse et déstabilisée, Christine chasse Ebba, sous prétexte

que sa présence la trouble.


Johan, suivi de sa cohorte d’hommes-cerfs, tente à son tour de séduire Christine, mais sombre dans le ridicule. Blessé dans son orgueil face au refus de la reine, il lui rappelle les multiples problèmes que son obstination à rester célibataire va

surement provoquer.


Christine et Ebba se réconcilient. Axel et Johan décident d’écarter la comtesse Ebba de la cour.


Acte 2


Tout comme Karl Gustav, le mal d’amour ne quitte pas la reine et l’absence d’Ebba à la cour lui devient insupportable.


Au théâtre anatomique, Descartes fait la démonstration physique que l’âme siège dans une petite glande au cerveau où toutes les passions se rencontrent. Christine lui demande si l’on peut exciser l’amour de cette glande.


Axel se montre scandalisé par cette démonstration profane et tente de raisonner avec la reine. Mais celle#ci, ne trouvant plus de bonheur dans son propre pays, menace de répondre à l’invitation du Saint#Siège à abjurer sa foi luthérienne,

à abdiquer et à assumer le statut de reine-vierge catholique, libre de son intimité.


Seule, Christine demande au ciel si elle devrait abandonner sa foi, son père et son pays, bref, tout ce qu’elle est pour devenir celle qu’elle désire être.


Ebba vient à Christine pour lui demander de bénir son mariage. Christine l’invite plutôt à se joindre à elle et à partir pour Rome. Ebba tente de la raisonner et de lui faire valoir l’anormalité de ce geste, et Christine la chasse pour toujours. Effondrée, inconsolable, Christine trouve un certain réconfort dans les bras de Karl Gustav qui de nouveau lui témoigne son amour et lui rappelle ses devoirs de souveraine.


À la surprise générale, Christine annonce qu’elle abdique en faveur de son cousin Karl Gustav, en le désignant comme son successeur. Elle part pour Rome où elle compte se convertir au catholicisme, espérant ainsi échapper aux contraintes de son statut de reine et vivre selon son libre arbitre.


Johan, amer, reconnaît tout le ridicule de sa situation et jette le blâme sur Axel, son père.


En épilogue, Christine savoure toutes les libertés retrouvées, sauf l’amour, dont elle est toujours sous l’emprise.



Compositeur : JULIEN BILODEAU

Librettiste : MICHEL MARC BOUCHARD


Distribution


Chef d'orchestre : JEAN-MARIE ZEITOUNI, Canada

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL

CHOEUR DE L'OPÉRA DE MONTRÉAL


Christine, reine de Suède : JOYCE EL-KHOURY, Canada


Comte Karl Gustav : ETIENNE DUPUIS, Canada


Comtesse Ebba Sparre : PASCALE SPINNEY, Canada


Le chancelier Axel Oxenstierna : DANIEL OKULITCH, Canada


Comte Johan Oxenstierna : ISAIAH BELL, Canada


René Descartes : ERIC LAPORTE, Canada


Marie-Éléonore de Brandebourg : ALINE KUTAN, Canada/Arménie


Assistant de Descarte : ALAIN COULOMBE, Canada


Source : https://www.operademontreal.com/


Commentaires de Michel Handfield, M.Sc. sociologie (2024-02-12)


J’ai bien aimé. C'est sûr qu'il fallait des coupes dans le texte, car, chanté, cela allonge le temps d’une représentation. Ayant vu la pièce (TNM, novembre 2012) et le film (FFM, 2015) je savais que certaines choses étaient coupées ou devaient passer par allusion. C’était le cas de l’opposition à Descartes par exemple, car elle était assez forte au point que dans le film on reprend la thèse qu’il est mort empoisonné à l'arsenic selon de la correspondance découverte dans les années 1990. Vous trouverez ces détails dans mes deux textes antérieurs, sur La Reine Garçon, qui se trouvent en annexe plus bas.


Le librettiste et le compositeur (1) ont su intégrer quelques fantaisies – comme lorsque « Johan, suivi de sa cohorte d’hommes-cerfs, tente à son tour de séduire Christine, mais sombre dans le ridicule. » - pour alléger le tout, ce qui fut très apprécié du public, car on a entendu quelques rires à l’occasion. C’est que cette histoire est assez sombre, la Reine Christine voulant ouvrir son peuple à l’art et la culture alors que celui-ci est sous le joug du rigorisme luthérien.


Pour les hommes de Pouvoir, pourquoi l’instruire s’il est heureux ainsi? Comme je l’ai écrit dans mon texte sur la pièce, ils tiennent d’ailleurs ce discours à la reine :


« On a besoin de bras, pas de cerveaux. Traite ton peuple en idiot et il t'aimera, surtout s'il a sa bière, du sport, du travail et des combats ! »


Très contemporain si je pense au Trumpisme qui va chercher l’appui des fondamentalistes religieux avec presque le même discours : On a besoin de bras pas de cerveaux. Traite ton peuple en idiot et il t'aimera, surtout s'il a sa bière, du sport, du travail et un camion pickup F-150 par exemple !


C’est comme si la culture leur était inaccessible et élitiste, ce qui est faux. Cela s’apprend et se développe. Chacun peut en tirer quelque chose. Naturellement, si on flatte l'ignorance et qu' on méprise la culture et les intellectuels pour en détourner nos fidèles et les manipuler, ce qui se voit en religion et en politique, c'est une autre histoire très machiavélique. On n’a qu’à penser à cette candidate républicaine au poste de secrétaire d’État, Valentina Gomez, qui a brulé des livres qu’elle jugeait inacceptables moralement ! (2)


Un opéra pour notre temps qui, je l’espère, s’exportera. Exporter de la culture serait déjà un gain sur l’obscurantisme qui revient par en arrière.


Ai-je vraiment besoin d’en dire plus?

Note


1. Compositeur : JULIEN BILODEAU :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Julien_Bilodeau_(compositeur)

Librettiste : MICHEL MARC BOUCHARD :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Marc_Bouchard


2. https://twitter.com/ValentinaForSOS/status/1754964444776443937


Annexe


Les deux numéros de la revue desquels sont tirés ces deux textes se trouvent en ligne à Bibliothèque et Archives Canada et Bibliothèque et Archives nationales du Québec dont voici les liens :


- https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/pdf/index.html


- https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248


Christine la reine garçon au TNM


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, Vol. 14 no 11, Textes ciné et culture : www.societascriticus.com


DU 13 NOVEMBRE AU 8 DÉCEMBRE 2012


De MICHEL MARC BOUCHARD, avec une mise en scène SERGE DENONCOURT





DISTRIBUTION


Catherine Bégin : Marie-Éléonore de Brandebourg / Céline Bonnier : Christine / David Boutin : Karl Gustav , Le généralissime / Éric Bruneau : Comte Johan OXENSTIERNA / Louise Cardinal : Duchesse Erika Brähe / Jean-François Casabonne : René Descartes / Mathieu Handfield : L’ALBINOS / Robert Lalonde : Axel OXENSTIERNA / Magalie Lépine-Blondeau : Ebba Sparre / Gabriel Sabourin : Hector Chanut


LA DURÉE


Approximativement 1 h 15 pour la première partie; entracte de 20 min; et 50 min pour la dernière partie


UNE HISTOIRE BRULANTE VENUE DU FROID


Une création de Michel Marc Bouchard est toujours un évènement, d’autant plus que, pour la première fois, il aborde un grand sujet historique : la reine Christine de Suède. De sa plume généreuse, il réinvente cet être hors du commun, excessif, traversé par les grandes forces — le spirituel, le politique, le passionnel — qui façonnent le destin d’un être humain. Serge Denoncourt, dont le sens aigu de la théâtralité se déploie particulièrement dans les évocations du passé, a choisi l’électrisante Céline Bonnier pour incarner la plus incandescente des reines.


Le château d’Uppsala, 1649. La terrible reine Christine, laide et séduisante, plus mâle que ses hommes de guerre, plus politique que ses diplomates, plus érudite que ses savants, fait venir dans son royaume de grisaille et de glace le philosophe français René Descartes afin qu’il lui enseigne le mécanisme des passions qui habitent l’âme et le corps humain. Tiraillée entre le masculin et le féminin, entre foi et savoir, entre la rigueur de Luther et les splendeurs du catholicisme, entre son amour pour une femme et l’État qui exige un héritier, Christine de Suède cherche la vérité, sa vérité — en dépit de la rapacité des nobles, de l’ardeur des prétendants, de la folie de sa mère et, surtout, en dépit des fulgurances de ses propres passions.


Commentaires de Michel Handfield ()


En Suède, « on raille les intellos et on boit sa bière » se plaint la reine Christine qui voudrait élever son peuple à un autre niveau. Mais, on est des travaillants : bucherons, mineurs, militaires... Du vrai monde! Pas des rêveurs comme ce Descartes qui remet en cause nos habitudes et nos croyances! Un étrange!


On a besoin de bras pas de cerveaux. Traite ton peuple en idiot et il t'aimera, surtout s'il a sa bière, du sport, du travail et des combats!


On pourrait croire à une adaptation tant cela nous ressemble! Mais, c'est basé sur des faits historiques vérifiables. Malheureusement, car les parallèles entre la Suède sous Christine (1632 à 1654) et nous, québécois d'aujourd'hui, sont frappants. Si frappant qu'ils font peur; comme si, sous nos airs évolués, parce que nous avons maintenant une télé de 72 pouces (venant d'Asie) pour regarder de la lutte (à défaut de hockey, vu la grève de la LNH) avec notre grosse bière entre les jambes et notre sac de « chips » sur les genoux, on ne l'était pas tant que ça, évolué! On est « basic » finalement, comme ces Suédois d'un autre temps qui aimaient boire et avoir une bonne bataille! Vouloir en faire autre chose et leur enlever leurs croyances – luthérienne - était une hérésie aux yeux de l'entourage de la reine. Surtout, ne remettons rien en cause!


D'avoir fait venir ce Descartes de France, dérangeait, avec ses idées sur la religion, les astres et l'autodétermination, plutôt que le prédéterminisme et l'ordre divin. Que la reine le suive au point de remettre en question son propre devoir de femme, qui devrait se marier et enfanter pour le bien du royaume, s'en est trop. Un diable que ce philosophe français. Il décèdera d'ailleurs en Suède et l'on soupçonnera l'empoisonnement. Après, la reine ne sera pas ménagée pour la forcer à se marier, sauf qu'elle leur fera tout un pied de nez! Femme de tête, elle nommera son cousin à sa place, l'adoptant comme ce fils qu'elle n'a pas! Élevé comme un garçon par son père, son comportement ne serait pas si surprenant que cela aujourd'hui. Mais, à l'époque, « it was shocking! »


Dans un pays dominé par un conservatisme religieux, elle est beaucoup trop différente au gout du temps. Garçonne jusque dans ses sentiments, elle semble attirée par Ebba, sa dame de compagnie, ce qui n'est pas acceptable. Puis, elle cite Ninon de Lenclos, libertine et femme d'esprit, enfermée aux Madelonnettes. Alors, sous la chape du Luthéranisme, elle ne peut que s'attirer des ennuis ainsi qu'à sa bonne amie, ce qui l'amènera à quitter sa Suède pour préserver sa liberté! Elle se fera catholique et s'en ira à Rome, où elle aura une relation sentimentale avec le cardinal Decio Azzolino nous dit-on sur Wikipédia, de quoi faire tourner son père dans sa tombe, lui qui avait battu les papistes lors de la guerre de Trente Ans.


On est ici dans Machiavel. Pourquoi changer les choses si le peuple ne veut pas changer et croit qu'il aura sa chance ainsi? Laissons le croire! Pourtant, La Boétie avait bien expliqué ce qu'est la servitude volontaire un siècle plus tôt! Et, « c'est [aussi] ce que Machiavel a fait voir avec évidence. En feignant de donner des leçons aux rois, il en a donné de grandes aux peuples. Le Prince de Machiavel est le livre des républicains » a écrit Rousseau un siècle après le règne de Christine! (1) Mais, on n'avait pas compris. (2) En fait, a-t-on même compris aujourd'hui? Si on a besoin de poser la question, c'est un peu donner la réponse : NON!


« Seuls les déviants ont besoin de changer l'ordre du monde pour qu'il leur ressemble » dira Axel Oxenstierna, son oncle et chancelier, interprété par Robert Lalonde. Mais, il n'aura pas gagné son pari de contrôler la destinée de Christine et de son fils avec lequel elle fut élevée. Elle aura été plus forte stratège qu'eux. Femme élevée en garçon elle avait su tirer les avantages des deux sexes, mais aussi retenir quelques-unes de leurs faiblesses!


Une pièce forte intéressante sur la prise en main de sa destinée, avec ses joies, ses peines et ses misères, car tout à un prix, que ce soit la soumission ou l'affirmation de soi. Et Christine le paiera dignement.


Notes


1. Rousseau, Jean-Jacques, [1762] 2002, Du Contrat Social, Les classiques des sciences sociales (PDF): http://classiques.uqac.ca/, p. 44


2. Voici les dates : Christine a régné de 1632 à 1654. Le prince de Machiavel fut publié en 1532. Le Discours de la servitude volontaire de La Boétie le fut en 1549! Quant au Contrat Social de Rousseau, ce fut en 1762.


Références


http://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_de_Suède

http://fr.wikipedia.org/wiki/René_Descartes

http://fr.wikipedia.org/wiki/Luthéranisme

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ninon_de_Lenclos

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gustave_II_Adolphe_de_Suède

http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Trente_Ans


La Boétie, (1549) 2006, Discours de la servitude volontaire, "Les classiques des sciences sociales" : http://classiques.uqac.ca/

Machiavel, Nicolas, 1996 [1532], Le prince, Paris: Booking International.



Femmes de rêve, femmes de caractère  ! (1) Nos commentaires sur BEIJING Carmen et la reine garçon


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, Vol. 17 no 7, Textes ciné et culture (FFM 2015) : www.societascriticus.com


a) BEIJING CARMEN


vu le dimanche 30 aout 2015


Couleur, 95 minutes, Chine, 2015


Réalisation : Wang Fan

Scénarisation : Wang Fan

Direction photo : Han Xiaosu, Andreas Thalhammer

Montage : Zhang Yifan

Interprètes : Li Rui, Cary Woodworth, Zhao Jian, Dong Chun, Zhuan Ran, Xu Yiming

Musique : Cha Ainan

Synopsis


Le film est librement inspiré de la nouvelle de Prosper Mérimée, Carmen. Chorégraphe américain, Coen se trouve à Beijing pour les répétitions d’une adaptation moderne de Carmen. Mais il n’arrive pas à trouver la candidate idéale pour le rôle-titre. Jeune orpheline aborigène, Ye Men a été adoptée et élevée dans une atmosphère libre et insouciante par une femme âgée de la tribu Wa, au sud-ouest de la Chine. À la suite d’un incident, Ye Men doit quitter le village, mais non sans avoir le cœur gros étant donné qu’elle laisse derrière elle Ai Yong, son amoureux. Ye Men se retrouve donc à Beijing et déniche un travail de serveuse et de chanteuse dans un restaurant. Une discussion avec un client trop entreprenant impressionne Coen, qui se trouve là, subjugué par le tempérament de la jeune fille. Il laisse sa carte d’affaires sur la table. Ye Men se présente à l’endroit des répétitions et accepte de se joindre à la troupe, ne sachant pas que cette nouvelle direction pourrait la conduire, personnellement, dans l’univers amoureusement torturé créé par Mérimée.



b) THE GIRL KING


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, Vol. 17 no 7, Textes ciné et culture (FFM 2015) : www.societascriticus.com


Vu le vendredi 4 septembre 2015



2015, Couleur, 102 minutes, Allemagne, Canada, Finlande, Suède, Compétition mondiale

Équipe de production


Réalisation : Mika Kaurismäki

Scénarisation : Michel Marc Bouchard

Direction photo : Guy Dufaux

Montage : Hans Funck

Interprètes : Malin Buska, Sarah Gadon, Michael Nyqvist, Lucas Bryant, Laura Birn, Hippolyte Girardot, François Arnaud, Patrick Bauchau

Musique : Anssi Tikanmäki




Synopsis


Nous sommes au XVIIe siècle et la reine Christine entend bien faire de la Suède le pays le plus moderne d’Europe. Élevée comme un garçon sous un strict contrôle luthérien, cette souveraine énigmatique, flamboyante et imprévisible fait face à une forte résistance dans son désir d’éduquer ses sujets et de mettre fin à la sanglante guerre de Trente Ans entre les protestants et les catholiques. Christine a du mal à vivre avec son irrésistible passion pour sa dame d'honneur, la superbe comtesse Ebba Sparre. En même temps qu’elle découvre l'amour et la passion, elle tente de comprendre l'humanité et les forces violentes qui conspirent contre elle. Déchirée entre ses aspirations politiques et personnelles, elle choisit de prendre l'une des décisions les plus controversées de l'Histoire.


Commentaires de Michel Handfield ()


Dans Beijing Carmen on n'est pas dans l'opéra, car la musique est tout autre que celle de Bizet, mais dans le caractère de Carmen. Celui qui vient de la nouvelle de Mérimée. (2) Si ne pas avoir la musique peut déranger ceux qui s'attendent à voir Carmen, elle indique aussi qu'on ne voit pas Carmen, mais bien Beijing Carmen !


Prosper Mérimée écrivain, historien et archéologue français a écrit Carmen (nouvelle) en 1845. Dans celle-ci elle est une jeune gitane. Ici elle est transposée en une Wa du Yunnan. (3) Si, dans la nouvelle originale, Carmen était manipulatrice et « utilisait ses charmes et ses atouts féminins pour arriver à ses fins » (4), c'est un caractère plus moderne de fille indépendante qui veut prendre sa place qui ressort du film. Mais, était-ce dans l’œuvre originale comme lorsqu'on relit Manon Lescaut (5) avec les yeux d'aujourd'hui? Je ne peux le dire, car je n'ai pas lu Carmen, mais j'ai lu Manon Lescaut et je ne serais pas surpris qu'il en soit ainsi : Carmen est Carmen comme Manon fut Manon. Seule notre vision a changé avec le temps. Elles étaient des filles de notre temps avant l'heure. Des précurseures.


Carmen est donc un film sur le caractère. Ici, on est face à la force de la fille et la faiblesse de l'homme qui cède à la jalousie, car il veut la posséder ! Fort intéressant et moderne. Et, que dire de Li Rui qui porte ce rôle. On est dans l'érotisme juste de la façon dont elle campe ce rôle à l'écran. Il va sans dire que j'ai aimé ce film.


Dans la même veine est la Reine garçon ! Autre femme de caractère, la reine Christine (6), qui a régné sur la Suède de 1632 à 1654 au moment où les guerres de religion divisaient l'Europe. Elle veut sortir son royaume de l'ignorance et du travail de bucheron et fait donc venir Descartes. (7)


René Descartes, qui dit que la curiosité est une richesse, est anachronique pour le peuple et l'entourage de la Reine. D'abord, pour ces luthériens, Descartes représente le pape. Quant à son entourage, tous ne sont pas prêts à suivre la reine sur cette question - « On a besoin de bras, pas de cerveau » lui dira même sa mère - ni son rapprochement avec Rome. Elle quittera d'ailleurs son Royaume en abdiquant pour son cousin qu'elle a fait son fils adoptif !


Quant à Descartes, il est mort empoisonné à l'arsenic selon de la correspondance découverte dans les années 1990. C'est d'ailleurs la thèse que reprend ce film. (8)


Lors de la période des questions, certains ont manifesté bruyamment du mécontentement parce que ce film était en anglais et non sous-titré en français. Mais, s'il fut d'abord écrit en français par Michel Marc Bouchard, duquel texte fut aussi tirée la pièce « Christine la reine garçon » jouée au TNM en 2012 (9), il fut traduit en anglais pour ce film de Mika Kaurismäki; une commande pour cette coproduction Allemagne, Canada, Finlande, et Suède. Mais, pourquoi ne pas plutôt avoir applaudit le fait qu'un auteur d'ici, qui écrit en français, peut aussi écrire pour une coproduction internationale même si elle est tournée en anglais? N'est-ce pas là un signe que la langue n'est pas toujours une barrière si chacun y met du sien. Un bon auteur, même s'il est francophone, n'a pas à être laissé de côté de nos jours avec les traducteurs professionnels qui peuvent l’assister. À l'ère de la mondialisation et des nouvelles technologies, la langue ne doit plus être une barrière et ce film le démontre.


Par, contre, et cela mérite d'être souligné, ce qui se passait à la cour à l'époque de la reine Christine était en français. Si ce film la rappelle à la mémoire, en Suède il y a toujours plus de fascination pour son père que pour elle, parce qu'existe toujours le sentiment de la trahison de leur reine qui s'est faite catholique.


Notes


1. Clin d'oeil à la chanson Femmes de rêve de Claude Dubois : www.youtube.com/watch?v=DwBFaA2Dopo


2. https://fr.wikipedia.org/wiki/Carmen_(nouvelle)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Prosper_Mérimée


3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Wa_(ethnie)

https://en.wikipedia.org/wiki/Wa_people


4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Carmen_(nouvelle)#Personnages_principaux


5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Manon_Lescaut


6. https://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_de_Suède


7. https://fr.wikipedia.org/wiki/René_Descartes


8. https://fr.wikipedia.org/wiki/René_Descartes#Su.C3.A8de_et_fin_de_vie


9. Handfield, Michel, 2012-11-23, Christine la reine garçon, in

Societas Criticus, revue d'actualité et de culture, Vol. 14 no 11, Textes

ciné et culture.


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