Fluidité: notre texte périscopique sur Hosanna, l’exposition Kent Monkman et un retour à nos racines !

Fluidité: notre texte périscopique sur Hosanna, l’exposition  Kent Monkman et un retour à nos racines !


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, in Societas Criticus Vol. 27-05 : www.societascriticus.com


Tous les détails sur Hosanna au TNM et en tournée se retrouvent en annexe 1.

Tous les détails sur l’exposition  Kent Monkman au MBAM en annexe 2.


Commentaires de Michel Handfield, M.Sc. Sociologie (2025-11-30)


Dans cette pièce, on retrouve d’abord l’humain !


Avec Hosanna, l’on remonte l’histoire de vie d’un gai qui s’est fait humilier par ses amis lors d’une soirée d’Halloween en 1973; cela en présence de son « chum » Cuirette.


Depuis, il a coupé tous liens avec ce milieu des clubs de la Main, a pratiqué son métier, et est demeuré tout ce temps dans son petit appartement de la rue Saint-Hubert, près de Beaubien. Ce soir-là Hosanna est redevenue Claude Lemieux, un gai qui s’assume sans son personnage face à son conjoint, Raymond Bolduc, qui devra voir cette nouvelle réalité sans les artifices de son personnage de « macho à la moto » ! Il devra donc décider s’il choisit cette mascarade derrière laquelle il se cache, le motard macho, ou l’homosexuel qu’il est tout comme Claude le lui a mis en pleine face dans un élan de lucidité.


Cinquante ans plus tard, après la Covid-19, Claude remonte dans le temps en parlant avec un journaliste du Fugues, Yannick, qui veut raconter cette époque. On revoit alors plusieurs des personnages de Michel Tremblay quand Claude raconte son histoire.


On apprend comment ils étaient vus et perçus dans leur famille; comment la police, dans laquelle il y avait surement des gais aussi, pouvait les maltraiter à l’époque (1); et les luttes revendicatrices que cette communauté a menées jusqu’à leur acceptation et normalisation dans la société. Par contre, depuis la montée du trumpisme, certains groupes de droite tentent de les enfermer dans le garde-robe à nouveau à défaut de pouvoir les effacer. Rappelons-nous ces quelques manifestations contre les drag queens qui lisent des histoires aux enfants dans les bibliothèques, par exemple. Par chance, cela s’est calmé.


Finalement, nous apprendrons dans cette pièce comment la plupart des personnages de 1973 ont fini leur vie.


Peut-être que l'on cherche trop à jouer sur nos différences alors que l'on est tous des humains !


Mais, ce que j’ai surtout remarqué dans cette pièce, c’est cette culture musicale commune. Leurs chansons, c’était aussi nos chansons. (Voir en annexe 1 pour la liste musicale.)


La recherche d’une libération, on l’a malheureusement vécu en parallèle pour un temps, mais on l’aura finalement ensemble à partir du milieu des années 1970. Quelque part, l’engouement nationaliste des années 1975, avec le spectacle de la Saint-Jean sur la montagne et l’arrivée du PQ de René Lévesque en 1976, nous aura peut-être mené « Un peu plus haut, un peu plus loin », comme l’a chanté Ginette Reno sur le Mont-Royal en 1975. (2) D’ailleurs, c’est en 1979 qu’aura lieu la première manifestation de la Fierté à Montréal (3), comme une suite logique de ce mouvement de libération et d’affirmation.


Comme nous tous, ils ont des problèmes de couple, vivent de la jalousie et sont victimes de mauvaises blagues, même de leurs proches. Bref, ce sont des humains comme nous. Nietzsche n’a-t-il pas écrit « Humain, trop humain » d’ailleurs? (4)


Fluide, est-ce si nouveau?


On retrouve le même lien dans l'exposition Kent Monkman, l’Histoire est dépeinte par les vainqueurs, au Musée des Beaux-Arts de Montréal.



Voilà une des notices que l’on peut lire dans cette exposition.



Si cela semble queer, ce n’est pas nouveau :


« Depuis des millénaires, les sociétés autochtones de l’île de la Tortue (l’Amérique du Nord) considèrent la fluidité des identités de genre, des sexualités et des liens familiaux comme une dimension fondamentale de leurs univers. Longtemps réprimées par les pouvoirs coloniaux, ces réalités ont été invisibilisées pendant plusieurs générations. “Bispirituel-le” est un mot inclusif adopté par les peuples autochtones pour désigner la diversité des identités de genre et des sexualités, leurs termes traditionnels ayant été effacés par la colonisation. L’œuvre de Monkman rend hommage à ces identités et ancre leur place non seulement dans l’histoire, mais aussi dans le présent et l'avenir. » (Extrait de la notice « Affirmer l’histoire de l’art autochtone bispirituel et queer ».)


À travers cette exposition, l'on retrouve souvent ce type d’image de Miss Chief Eagle Testickle, l’alterégo de Kent Monkman. (5) La fluidité n’est donc pas nouvelle en Amérique, même si l’on a tenté de faire comme si ça n’existait pas.



La toile représentée ici est « Le Grand Mystère », 2023, Acrylique sur toile. Dartmouth, Hood Museum Art Museum, purchased through the Miriam H. and S. Sidney Stoneman Acquisition Fund, 20234.18.1.


Mais, le berceau de l’occident a aussi connu cette fluidité sexuelle bien avant qu’on ne rencontre les autochtones d’Amérique.


Au temps de la Grèce antique, l’on pouvait à la fois être marié et avoir des amants, même de jeunes amants. Il faut lire Madame Socrate (6) pour avoir une impression de cette époque, un des fondements de notre civilisation, mais dont une large partie fut occultée par le christianisme, autre pilier de notre civilisation, au point que, si l’on parle souvent de nos racines judéo-chrétiennes, l'on oublie trop souvent nos racines gréco-romaines, en partie effacées par la morale chrétienne ! Par exemple, Socrate, marié à Xanthippe, était aussi un amant d’Alcibiade ! (7) Chose courante à cette époque dans la Grèce antique:



« La convention voulait qu'un homme n'eût d'amants que jusqu'à ce que la barbe leur vînt. Deux hommes libres, prétendait-on, ne pouvaient être amants, puisqu'il fallait que l'un des deux fût passif. Balivernes ! Les hommes libres s'amusaient entre eux, et il n'y avait qu'à fréquenter les parages du Gymnase pour le vérifier.


Xanthippe s'en félicitait presque, mais elle se demandait ce que des hommes pouvaient bien faire ensemble dans un lit puisqu'ils étaient pareils. Dans sa candeur, elle s'en ouvrit à sa mère, qui lui fit une réponse si simple et crue que Xanthippe en resta à la fois pantoise et scandalisée.


« Mais..., bredouilla-t-elle, cela n'est pas agréable !


Crois-tu ? répondit sa mère, avec un sourire. L'envers d'un homme et l'endroit d'une femme, cela se vaut. Ils sont aussi sensibles derrière que nous devant. Et puis, ça ne fait pas d'enfants. Comme ça, ils évitent de trop diviser les héritages. » (8)



En guise de conclusion


Alors, quand on nous présente l’homosexualité et la fluidité comme des avancées modernes, ce n’est pas tout à fait vrai, car cela a existé bien longtemps avant notre monde, tant chez les Occidentaux que chez les Autochtones - et probablement ailleurs. C'est comme si nous avions été victimes d'une grande amnésie morale et religieuse qui nous l’avait fait oublier tout en les marginalisant. Mais cela a toujours existé, même si ce fut longtemps caché pour des raisons de morale et de croyances religieuses. C'était aussi une question de survie, pour ceux qui étaient ainsi, que de se cacher. Ce n'est cependant pas parce qu’on les invisibilisait qu’ils n’existaient pas. Ils ont toujours été là.


Le grand changement d’aujourd’hui, c’est tout simplement l’acceptation de cette réalité qu’on refusait non seulement de voir, mais de reconnaitre comme faisant partie de la vie. L’homosexualité existe non seulement chez l’humain, mais aussi dans le monde animal (9) et particulièrement chez les mammifères (10), nous dit la science.



Notes


1. De mémoire de téléspectateur, ce thème a d’ailleurs été abordé dans Jamais deux sans toi, série télévisée de Guy Fournier diffusé à Radio-Canada entre le 28 septembre 1977 et le 10 juin 1980 pour la première série, et du 5 septembre 1990 au 7 décembre 1992 pour la deuxième série. C’est que Bernie Lacasse (Serge Thériault), qui fait le ménage chez les Duval, est en couple avec Paul Lemoyne (Donald Pilon), un policier de Montréal qui fait le macho, car il ne doit pas laisser paraitre qu’il est gai.


Pour la liste des comédiens et quelques détails, voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Jamais_deux_sans_toi_(série_télévisée). Certains des épisodes se retrouvent aussi sur YouTube.


2. Souvenirs de la Fête nationale 1975 sur le mont Royal, Radio-Canada Archives : https://youtu.be/6czoIzyHC1Q?si=uMxarOO-dr8IIh7B


3. Je cite ce passage :


« Ces manifestations ont inspiré les activistes LGBTQ+ du monde entier à lancer leurs propres célébrations de la Fierté, comme celles de Montréal, dont la première édition a été organisée par la Brigade rose en juin 1979 afin de marquer le 10e anniversaire des soulèvements de Stonewall. Ce jour-là, l’organisation avait réussi à rassembler 52 personnes. Quarante ans plus tard, en 2019, le défilé du festival Fierté Montréal attirait plus 3 millions de personnes. » Source :

Richard Burnett, L’histoire de la Fierté à Montréal, mis à jour le 17 avril 2025, /MTL (Tourisme Montréal) :

https://www.mtl.org/fr/experience/histoire-fierte-montreal)


4. Nietzsche, F., 1995 (1878), Humain, trop humain, Paris: Le livre de poche, Classiques de la philosophie.


5. https://www.metmuseum.org/fr/perspectives/kent-monkman-miss-chief-eagle-testickle


6. Messadié, Gérald, 2000, Madame Socrate, France : JC Lattès, version électronique, Google livre.


7. Messadié, Gérald, Ibid. Je cite ici deux passages du livre :


- « Ah ! Socrate ! releva Demis dans un bref ricanement. L'homme le plus sage de la Grèce ! Et l'amant d'Alcibiade... » (II. LA TRAHISON DU FILS, chapitre 5, Une soirée chez le Frisé, p. 164.)


- « Ainsi, nous ignorons absolument tout de la façon dont l'un des plus illustres penseurs de la Grèce, Socrate, vécut la déception que lui infligea le plus grand traître de son temps, Alcibiade, l'un des anti-héros de ces pages. Situation extraordinaire, le philosophe avait été à la fois le maître et l'amant de l'homme politique ; imaginez Pascal amant et maître à penser de Louis XIV ! Sa douleur son humiliation d'amoureux et de pédagogue durent être immenses. Comment croire qu'elles ne modifièrent pas ses idées sur la nature humaine et les desseins des dieux ? En effet, Alcibiade, enfant chéri d'Athènes, trahit celle-ci pour passer au service de Sparte, l'ennemie jurée, puis causa la désastreuse défaite d'Aegos Potamoi qui scella la fin de l'empire athénien. Beau, riche, brillant, cet individu fut l'instrument de la ruine de sa cité, par sa lâcheté d'abord, par un mélange d'ambition démente, d'ingratitude et de vengeance ensuite. Alcibiade a enrichi l'histoire mondiale de l'infamie de l'une de ses pages les plus noires. » (Postface, pp. 275-6)


8.Messadié, Gérald, Ibid., I. LA SPLENDEUR DU COUCHANT, chapitre 1, Le crime de la rue du Héron, pp 10-11.


9. https://fr.wikipedia.org/wiki/Comportement_homosexuel_chez_les_animaux


10. Pourquoi le comportement homosexuel est-il si courant chez les mammifères ?, The Conversation, October 15, 2023:

https://theconversation.com/pourquoi-le-comportement-homosexuel-est-il-si-courant-chez-les-mammiferes-215298



Annexe


Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres de Michel Tremblay

Montage et mise en scène : Maxime Robin

2h10, incluant un entracte


Une création du Théâtre du Trident en coproduction avec le Théâtre du Nouveau Monde vu au TNM le 15 novembre 2025: https://tnm.qc.ca/


Du 11 novembre au 9 décembre 2025

Supplémentaire le dimanche 30 novembre à 14 h

Nouvelle supplémentaire le mardi 9 décembre à 19 h 30


Ce spectacle sillonnera les villes du Québec dans le cadre des Sorties du TNM :


13 janvier 2026, Québec, Salle Albert-Rousseau

20 janvier 2026, Sherbrooke, Centre culturel UdeS / Salle Maurice O'Bready

23 et 24 janvier 2026, Gatineau, Salle Odyssée

27 janvier 2026, Terrebonne, Théâtre du vieux Terrebonne

31 janvier 2026, Rimouski, Salle Desjardins-Telus

10 février 2026, Drummondville, Maison des arts Desjardins

13 février 2026, Laval, Salle André-Mathieu

18 février 2026, Saguenay, Théâtre C


Argument



Au cours d’une soirée d’Halloween de 1973, visage grimé et corps endimanché avec soin afin de personnifier Elizabeth Taylor dans le film Cléopâtre, Hosanna a subi l’humiliation suprême. Poussé dans ces derniers retranchements, l’ex-travesti Claude Lemieux se terre depuis dans son petit appartement de la rue Saint-Hubert. Croupissant depuis cinquante ans, et plus isolé que jamais après avoir traversé la pandémie de Covid-19, il reçoit la visite de Yannick qui, pour un article à paraitre dans le magazine Fugues, cherche à connaître « les possibilités d’expression du genre au sein de la communauté queer du Grand Montréal dans un Québec post-révolution tranquille ». L’entrevue d’une heure prévue avec Claude se transforme en un échange de deux jours avec Hosanna.


Celle-ci rompt finalement les digues retenant le flot puissant de ses souvenirs et, agrippée à ses martinis et à ses cigarettes comme à des bouées de sauvetage, raconte.


Telle une Shéhérazade remontant le fil de l’histoire pour sauver sa peau, elle refait en mots le trajet de sa vie. De son enfance édulcorée dans l’ennuyeuse uniformité de sa banlieue natale jusqu’à son arrivée dans l’univers exubérant des clubs de la Main, l’acuité du récit d’Hosanna réveille les figures du passé. Cuirette, Sandra et la fameuse Duchesse de Langeais, et d’autres encore, resurgissent dans les scènes clés de la vie du personnage et réaniment, l’espace d’un instant, l’époque du cabaret en danse et en chansons…


Inévitablement, sa mémoire la conduit jusqu’à la tristement célèbre fête costumée où, au milieu des innombrables doubles de la reine du Nil, toutes plus belles et plus majestueuses qu’elle, Hosanna s’est sentie trahie au-delà du supportable. — Sarah Fauteux


Distribution


LUC PROVOST : HOSANNA AGÉE

VINCENT ROY : HOSANNA

Sacha Lapointe et Oscar Vaillancourt (en alternance) : HOSANNA, 10 ans

GABRIEL FOURNIER : CUIRETTE

JONATHAN GAGNON : SANDRA

VALÉRIE LAROCHE : CHANTEUSE

JACQUES LEBLANC : LA DUCHESSE DE LANGEAIS

SALLY SAKHO : YANNICK


Chansons entendues dans le spectacle


Les Moulins de mon cœur, Michel Legrand

Put the blame on Mame, Rita Hayworth (tiré du film Gilda)

C’est le début d’un temps nouveau, René Claude

Fever, Peggy Lee

Rock pour un gars d’bicyc’, Diane Dufresne

Aujourd’hui, j’ai rencontré l’homme de ma vie, Diane Dufresne

Can’t help falling in love, Elvis Presley

Bande-annonce en anglais du film Cleopatra de 1963

Disco Inferno, The Trammps

L'objet, Guilda

Laissez-moi danser, Dalida


Hyperliens sur Hosanna ou la Shéhérazade des pauvres :


- https://fr.wikipedia.org/wiki/Hosanna_(pièce_de_théâtre)


- https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Tremblay

- https://chantaldavid.com/portfolio/comediens/maxime-robin/




Annexe 2 



Kent Monkman : L’Histoire est dépeinte par les vainqueurs


À l’affiche jusqu' au 8 mars 2026 au Musée des beaux-arts de Montréal


https://www.mbam.qc.ca/

1380, rue Sherbrooke Ouest

Montréal (Québec)

H3G 1J5

514-285-2000



Artiste de renommée internationale et membre de l’ocêkwi sîpiy (Nation crie de Fisher River), Kent Monkman revisite des références classiques de l’histoire de l’art pour offrir un regard contemporain, engagé et profondément sensible sur le monde qui nous entoure.



Avec près de 40 œuvres monumentales, l’exposition explore des thèmes forts : les réalités autochtones, la colonisation, la crise climatique et les identités 2ELGBTQIA+. Des questions qui résonnent autant aujourd’hui qu’hier.


Avis aux parents et aux tuteurs :


Veuillez noter que certaines des œuvres présentées comportent des scènes de violence ou de nudité.


Hyperliens sur Kent Monkman :


https://www.mbam.qc.ca/fr/exposition-campagne-kent-monkman/


https://www.kentmonkman.com/


https://www.penguinrandomhouse.ca/books/565940/the-memoirs-of-miss-chief-eagle-testickle-vol-1-by-kent-monkman-and-gisele-gordon/9780771061226



Posts les plus consultés de ce blog

Cinéma : Deux femmes en or (2025)

Théâtre : Combat 1944-1945

Numéro spécial photo/ photos de Michel Handfield