Commentaires livresques : La Maison des sciences de l'homme de Paris

 Commentaires livresques : La Maison des sciences de l'homme de Paris


D.I., Delinkan Intellectuel, revue d'actualité et de culture, in Societas Criticus Vol. 26-02 : www.societascriticus.com


La genèse d'une nouvelle culture des sciences sociales en France


Un livre de Marcel Fournier


Ce livre nous présente l’histoire de la Maison des sciences de l’homme (MSH), qui naît officiellement le 4 janvier 1963 lorsqu’elle est reconnue fondation d’utilité publique, mais dont les grandes lignes sont dessinées dès la période qui va de la fin de Seconde Guerre mondiale au milieu des années 1960, avec la VIe section de l’École pratique des hautes études comme cadre institutionnel et la Fondation Ford comme support.


L’auteur s’interroge également sur l’avenir de la fondation de la Maison des sciences de l’Homme (FMSH) dans un contexte institutionnel et scientifique en pleine transformation et dans une conjoncture politique et économique nationale et internationale en plein bouleversement.


Nous verrons comment la FMSH, depuis ses débuts jusqu’à nos jours, contribue à une meilleure connaissance – pluridisciplinaire et transdisciplinaire – d’un monde devenu multipolaire et global.


Source : https://www.editions-msh.fr/livre/la-maison-des-sciences-de-lhomme-de-paris/


Commentaires de Michel Handfield, M.Sc. sociologie (2024-04-03)


Avoir su...

J’aurais aimé que ce livre soit en version électronique, car lire en métro et prendre des notes sur le cellulaire, ce n’est pas toujours facile. Ensuite, ces notes, sont-elles les bonnes, car on peut choisir un angle différent plus tard ? C’est ici que la recherche par mots clés est intéressante dans les formats PDF et EPUB.


Au total, j’ai pris 9 pages de notes en le lisant, pour 2 104 mots et 13 387 caractères ! Comment le sais-je? Comme je prenais mes notes dans mon cellulaire et que je les envoyais ensuite dans Libre office pour me faire une fiche de lecture, rien de plus facile que d’en faire le compte automatique.


Par contre, après ma lecture, j’ai appris qu’il était disponible en libre accès sur « OpenEdition Books » (1) et qu’il offrait même un outil de recherche par mots clés. (Prise d’écran ci-contre) Avoir su, je n’aurais pas pris ces pages de notes en le lisant puisque je peux utiliser cette version pour faire des recherches dans le livre. C’est un plus qui compense le manque d’une version électronique.



Mais, pour moi, les essais, les livres de références et de recherche sont plus utiles en version électronique que papier, car je peux les lire en métro sur mon téléphone intelligent ou à la maison sur mon ordinateur; les « surligner » et prendre des notes liées à l’ouvrage qui me sont ensuite accessibles sur différentes plateformes si j’en ai besoin en références ultérieurement. Ma bibliothèque virtuelle est d’ailleurs mieux garnie que mes étagères de livres papier. Mais, bon, tous ne sont pas comme moi, je sais. Certains aiment l’odeur des livres.


Avis


On semble écrire la Maison des sciences de l’homme, avec un « h minuscule », tout le long de l’ouvrage. La question de la place des femmes s’est aussi posée à quelques occasions dans cette histoire comme vous le découvrirez dans ce livre.


Mais, on écrira fondation de la Maison des sciences de l’Homme, avec un « H majuscule » au Chapitre 10 (p. 398). Personnellement, je me demande pourquoi on n'a pas toujours écrit Homme, plus englobant de l’espèce humaine qu’homme, il me semble. Alors, c’est la graphie que j’ai choisie dans ce texte : Maison des sciences de l’Homme (MSH) ou fondation de la Maison des sciences de l’Homme (FMSH), car je suis mal à l’aise d’écrire homme, moins englobant, je trouve.


Livre intéressant dans l’ensemble


Ayant étudié en sociologie à l’Université de Montréal, j’ai vu plusieurs noms que je connais défiler dans ce livre à commencer par l’auteur qui fut un de mes professeurs. Mais, je n’ai jamais été à la Maison des sciences de l’Homme à Paris, car je suis un sociologue ancré dans son milieu même si je m’intéresse aux questions internationales et de la mondialisation. D’ailleurs, je n’ai jamais pris un avion. Il y a de ces paradoxes parfois.


Mais, pour en revenir à ce livre, l'idée de cet ouvrage vient d'une discussion avec Michel Wieviorka, nous raconte Marcel Fournier au début du livre. (p. 10) Michel Wieviorka est un administrateur de la MSH dont j’ai fait la critique d’un de ses ouvrages autrefois : La ville (2). Il y en a d’autres aussi, dont Alain Touraine, qui est venu quelquefois au département de sociologie de l’Université de Montréal; Immanuel Wallerstein, Georges Friedmann; Michel Crozier; Fernand Braudel; Pierre Bourdieu et plusieurs autres. Plusieurs découvertes aussi, comme le fait que Gaston Berger, un des proches collaborateurs de Fernand Braudel, avec Clemens Heller et Charles Morazé, au début de cette aventure de la fondation de la Maison des sciences de l’Homme (p. 18) était aussi le père de Maurice Béjart, le danseur (p.160). (3)


Bref, un livre qui marie culture, sciences sociales et histoire de la France, mais aussi, par la bande, l’histoire internationale vu la mission et les interrelations de cette institution partout dans le monde. Pensons notamment aux interrelations entre la MSH et la Chine (1982) ou avec l’Académie des sciences de l’URSS (1984). (p. 337) Avec la Pologne, la situation fut plus complexe « avec la mise en place de l’état de siège en 1983, qui est suivi de mesures de répression contre des intellectuels et des chercheurs engagés aux côtés de Solidarność, remet en cause le principe de toute collaboration scientifique qui, croit-on à la MSH, doit être fondée sur le libre choix, la reconnaissance mutuelle des mérites scientifiques et un réseau étroit de relations personnelles de confiance et d’amitié. L’on décide alors de continuer à travailler avec des chercheurs qui, déjà actifs dans divers groupes de travail ou réseaux, ont conservé leur liberté d’action. » (p. 387) Je pourrais arrêter là mon texte, mais tel n’est pas le cas.


Mes points forts du livre


Je pourrais continuer ainsi fort longtemps, car ce livre est très bien documenté. Mais, ce ne serait qu’un long résumé du livre. Je préfère donc parler de quelques sujets du livre qui m’intéressent plus particulièrement. Pour d’autres ce peut être des projets différents de la MSH qui les intéresseront davantage que ceux que j’ai retenus. C’est qu’en plus de 60 ans d’histoire, la FMSH a eu des projets pour tous les gouts.


i. L’autogestion


Du temps que j’étudiais en sociologie (1979-82; 1984-88) l’autogestion m’intéressait. Populaire à cette époque, des années 1970 à la fin des années 1980, il y eut un projet documentaire et une association sur l’autogestion à la MSH. (pp. 293-5). Mais, ce programme s’est terminé autour de 1984-5. (p. 346) À première vue, cela peut sembler malheureux. Mais, en fait, on semble plutôt en avoir élargi le champ d’action :


« En 1985, les activités du CICRA de même que celles du Collectif Média/autonomie/développement (créé en 1982) sont regroupées au sein d’un nouvel organisme, le Centre de recherche et d’information sur la démocratie et l’autonomie (CRIDA), dont le champ d’action, plus large, touche aux trois domaines suivants : la démocratie d’entreprise et les systèmes participatifs, la gestion collective et l’économie sociale, le microdéveloppement local et les pratiques d’autonomie territoriale. Ses objectifs sont indissociablement interventionnistes (favoriser le développement de pratiques participatives, coopératives ou autogestionnaires) et scientifiques (promouvoir la réflexion et développer des études comparatives internationales et interdisciplinaires). » (p. 346)



Cela m’apparait donc un plus, surtout si on y inclut la cogestion, les coopératives et les organismes communautaires et sans but lucratif, car je verrais souvent ce modèle comme une alternative à l’éternel choix cornélien entre les entreprises privées et les services publics, notamment dans la gestion des actifs publics, de l’éducation et de la santé par exemple, comme s’il n’y avait pas d’autres propositions possibles. Pourtant il y en a si on met à contribution des travailleurs et des citoyens pour y réfléchir. (4)


ii. La pensée internationaliste ou mondialiste


Tout le chapitre 8 du livre est consacré au rôle de « véritable carrefour national et international » de la MSH. Dans les années 1980-90, on parlait d’ouverture sur le monde et de coopération internationale, puis les choses ont changé. On revient maintenant aux reculs du nationalisme et au repli sur soi avec le trumpisme aux États-Unis, le poutinisme en Russie et Xi Jiping en Chine. Espérons que des institutions comme la MSH sauront continuer ce travail de coopération internationale malgré les vents contraires, car il est nécessaire plus que jamais.
Il nous faut de ses phares en cette période d’assombrissement.


iii. La numérisation


En 1998 fut instauré un grand programme de numérisation (p. 432) et on en voit les fruits. Par exemple nous trouvons des éléments du « fonds d’archives de la fondation de la Maison des sciences de l’Homme » en OpenEdition (5). Nous en trouvons d’autres dans les pages d’Hypothèses (6) et parfois de revues ou d’éditeurs (7). Une recherche Google avec « La FMSH » vous donnera plein de liens.


En conclusion


En lisant sur les engagements de la Fondation de la Maison des sciences de l’Homme dans les programmes internationaux et à l’aide qu’elle peut apporter aux communautés scientifiques locales (nationale), on s’aperçoit que la FMSH est au service de la mondialisation dans le bon sens du terme, soit la coopération et le développement au niveau des sciences humaines et sociales. On ne cherche pas le profit ou l’exploitation, mais bien à favoriser la coopération dans un but de compréhension, de dialogue et de développement du monde tout en en lui conservant son humanité.


En fait, le plus dur doit être de maintenir l’équilibre entre la recherche nationale et internationale dans le contexte d'aujourd'hui, car le national impacte sur le mondial et vice versa que ce soit en mode, culture politique ou en environnement. Mais, des groupes politiques sont de plus en plus mutuellement exclusifs sur ces questions, se traitant de nationaliste fermé ou de mondialiste déconnecté, alors qu’il faut accroitre la compréhension des interrelations entre le national, le continental et le mondial, les actions et les phénomènes sociaux comme physique ayant des impacts beaucoup plus grands que purement locaux. On est dans un monde interrelié qu’on le veuille ou non. C’est le propre de notre planète. Un nuage toxique, comme une idéologie ou une mode, ça voyage au-delà des frontières et cela a des impacts qu’on le veuille ou non. C’est la réalité.


Notes


1. https://books.openedition.org/editionsmsh/61136


2. Wieviorka, Michel (sous la direction de), 2011, La ville, France, 336 p. ISBN : 9782361060091. Nous en avons parlé dans nos Commentaires livresques : Sous la jaquette !, Societas Criticus, Vol 14 no 2 (25 janvier au 5 mars 2012) :


- À BAnQ : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/61248?docref=00M4Vtpz_RfINwbpOqf4iA


- À BAC : https://epe.lac-bac.gc.ca/100/201/300/societas_criticus/


3. https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Béjart


4. Au sujet de l’autogestion, quelques références que j’ai trouvées à partir des informations du livre :


Le Centre international de coordination des recherches sur l’autogestion et ses archives:
https://archivesfmsh.hypotheses.org/1832

Existe maintenant l’Association autogestion : https://autogestion.asso.fr/


5. https://www.openedition.org/9325?lang=fr


6. https://archivesfmsh.hypotheses.org/


7. Ici, il me faut citer un long passage :


« Il a été question, au début des années 1970, de plusieurs projets documentaires, dont l’un devait porter sur « l’autogestion, la participation et la démocratie industrielle » en collaboration avec Yvon Bourdet, chercheur au CNRS et qui anime la revue Autogestion, fondée en 1965 par Georges Gurvitch, Jean Bacal et Daniel Guérin.


(…)


« En 1970, la revue devient Autogestion et socialisme et paraît aux Éditions Anthropos. C’est à ce moment qu’Olivier Corpet la découvre et que son directeur Yvon Bourdet l’associe à la gestion de la revue, qui devient Autogestions. (…) De 1973 à 1979, Corpet prend une part grandissante dans les fonctions qui permettent à la revue de fonctionner. La revue est alors publiée « dans le cadre de la MSH » puis aux Éditions Privat à Toulouse. Collabore aussi à la revue Jacqueline Pluet, bibliothécaire à la MSH. Corpet en assumera la direction de 1980 à 1986, date de l’arrêt de la publication. » (p. 293)


Les numéros, de 1966 à 1986, de cette revue se retrouvent maintenant sur le site de Persée, qui valorise le patrimoine documentaire :

https://www.persee.fr/collection/autog




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